Un couple mixte (une allemande, Clara et un japonais, Rinichiro) sont amenés par une personne du futur dans le monde tel qu’il sera au XLe siècle : EHS est un monde où les asiatiques servent de meubles, d’animaux, d’accessoires, des mères porteuses ; les noirs sont des esclaves, des serviteurs ; les blancs sont des nobles, des dieux.
A partir de là Shozo Numa construit son œuvre comme la description d’un univers SM poussé à son paroxysme.
A travers le regard de ces personnages du XXe siècle, le lecteur va pouvoir découvrir les deux aspects de ce monde futuriste et voir doucement l’état d’esprit des amants se transformer peu à peu, pour passer de celui d’amoureux à celui de maître-objet.
Entre SF, sado-masochisme, traité de sociologie : l’œuvre de Numa est impressionnante ! Une écriture parfaite qui ne juge pas mais parvient à montrer l’intensité des sensations et des sentiments éprouvés par les êtres soumis et ceux se prenant pour des dieux. Cette métaphore extrapolée du monde SM et de l’état d’infériorité ressenti par un peuple occupé est passionnante.
Sans idées fascisantes ni jugement moralisateur, encore moins avec condescendance, ce roman n’en est pas moins dérangeant et quelques descriptions pourraient choquer par leur contenu, mais l’écriture de Numa reste toujours très soignée, et l’auteur ne cherche pas à provoquer le dégoût, la colère…
A travers de longs chapitres, le narrateur nous raconte l’histoire du Japon, et de la Terre en général, puis d’EHS, l’explosion de la technologie et des méthodes génétiques pour manipuler les corps.
Par ce roman fleuve, Shozo Numa (pseudonyme d’un auteur inconnu) cherche à comprendre les mécanismes qui font du peuple japonais un peuple soumis, discipliné, qui préfère mourir qu’être désobéissant. Yapou a été écrit après la seconde guerre mondiale, pendant laquelle l’auteur aurait été fait prisonnier et aurait été témoin de l’humiliation subie par les japonais, ce livre est comme une métaphore psycho-sociologique de tout ce qu’il a vécu.
Editions Laurence Viallet (oct. 2022)
SHOZO NUMA serait né en 1926 à Hakata, au Japon. Shozo Numa est un pseudonyme. Plusieurs hypothèses circulent au Japon sur l’identité de l’auteur. La rumeur désigna même, à une époque, Yukio Mishima, qui tenait ce livre comme « probablement le plus grand roman idéologique de l’après-guerre écrit par un Japonais ». D’après l’agent de Shozo Numa, Mishima est le véritable découvreur du texte, qui intervint pour le faire publier, et qui le défendit lorsque le livre fut l’objet d’attaques de la part de l’extrême droite japonaise.