Chris, écrivaine, va passer les fêtes de fin d’année avec son gendre et ses deux petits-fils. Louise n’est pas là, depuis deux mois elle a disparu. Partie aux Etats-Unis pour commencer un nouveau travail, s’installer et préparer le terrain pour que le reste de sa famille la suive, petit à petit elle a cessé de donner de nouvelles. Jusqu’à disparaître complètement.
Pour les fêtes, chacun et chacune, sans vraiment se le dire, espère que Louise va donner des nouvelles, parce que c’est Noël tout de même…
En parallèle Chris rencontre une vieille femme d’origine polonaise, qui lui raconte comment sa mère, résistante, l’a poussée à rejoindre la lutte alors qu’elle n’était qu’une jeune enfant.
Marion Muller-Colard a une très belle écriture, très juste dans la façon pudique et résiliente dont on fait avec la disparition d’un être cher. Comme ça pèse sur les gestes, laisse des questions en suspens, mais n’empêche pas de continuer à avancer, d’espérer, d’attendre.
L’autrice met aussi en lumière le rapport de la grand-mère avec ses petits enfants, quand elle doit s’en occuper, le lien entre eux. Cette relation particulière de celle qui sait l’histoire, et qui voit son petit-fils y construire sa vie dessus, sans savoir. Le poids du passé, de la connaissance, comment les transmettre, sans appesantir. Elle raconte aussi avec beaucoup de justesse, la maladie de l’enfant qu’il faut gérer, le poids de l’enfant accroché à soi, cette responsabilité continue et soudaine, quand cela n’est pas notre quotidien et que cette responsabilité nous tombe dessus.
Marion Muller-Colard raconte aussi très finement l’histoire de Ludmila. Elle mène l’enquête pour découvrir ce qu’elle a vécu. Comment l’occupation allemande a marqué ses gestes, la complexité d’une mère à se mettre dans la résistance, mettant en danger sa famille, allant jusqu’à impliquer sa propre fille. Cette lourde responsabilité qui s’abat sur les épaules de la petite fille. Le danger partout, la menace, la mort.
Des descriptions une nouvelle fois très juste, très fortes.
L’autrice raconte vraiment par la toute petite lorgnette de ses personnages, décrit parfaitement les émotions, les questionnements, les détails de ce qu’il se passe, l’impact des événements. Les corps aussi sont chargés. Mais jamais ces personnages n’abandonnent.
Je regrette un peu le mêlement de ces deux histoires, qui finalement, aurait mérité chacune un roman à part entière, tant Marion Muller-Colard crée de l’empathie, de l’intérêt, de la curiosité pour ces femmes face à l’adversité. Du coup, il manque des bouts, ou en tout cas on en veut plus. Avec une fin ouverte qui donne follement envie de savoir ce qui arrive après.
Editions Gallimard (mars 2020)
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