Vernon et ses potes.
Vernon SDF. Qui finit par s’installer dans le parc des Buttes-Chaumont. Il est calme, silencieux, solitaire. Il survit. Détaché du monde. Et pourtant il l’attire ce monde. Les SDF d’abord, prennent soin de lui. Lui trouvent à manger, à boire, un lieu où dormir, lui donnent des astuces. Comme pris sous leurs ailes.
Puis ses amis d’avant reviennent. Ils le cherchaient partout, par culpabilité, par curiosité, par intérêt.
Parce qu’il y a toujours le mystère autour du testament du célèbre Bleach. Qu’a-t-il révélé dedans qui fait peur à certains pontes de l’industrie du disque et d’ailleurs ?
Vernon est magnétique. Les gens tournent autour de lui. Restent. Et c’est une communauté étrange et hétéroclite qui se forme. La solitude est brisée, plus ou moins. Tous ces personnages du tome 1 qui s’embourbaient dans des vies plutôt moroses, sortent la tête de l’eau, regardent autour d’eux, et trouvent d’autres gens près d’eux.
Alors ils nagent ensemble. C’est moins dur.
Au-delà de ça, Virgine Despentes, grâce à la multitude de ses personnages, construit une véritable fresque sociale, digne d’un Zola des temps modernes. Elle plonge dans le sombre, le glauque, ces lieux où les chairs se perdent, les corps se blessent, les âmes ont mal. Et dans ce tome 2, plus on s’enfonce dans les pourquoi du comment les hommes souffrent ou ont souffert, plus les personnages relèvent la tête, font bloc, et cherchent à affronter leur vie, le passé. Et, d’une façon ou d’une autre, trouvent une porte de sortie. Un espoir.
Virginie Despentes réussit à garder une ligne cohérente tout en décrivant un monde foutraque. Une ligne directrice dans le chaos.
L’auteur dénonce par le biais de la fiction les travers de notre société de consommation, où parfois l’argent et le pouvoir semble donner tous les droits, elle parvient à poser un regard nuancé sur ces gens qui ont pu choisir la mauvaise voie, et donne à ses personnages l’esquisse d’une possible rédemption.
Je met un tout petit bémol sur le foisonnement des personnages, certains perdent en force, en contours. On a du mal à les distinguer. Il commence à y en avoir trop. Mais les portraits, quand ils sont faits, sont d’une justesse et d’une habilité incroyable.
Un livre incontournable pour sentir l’air du 20ème et du 21ème siècle.
Éditions Grasset (10.06.2015)