Alabama. Années 20.
Le monde change, se modernise, se libère de quelques-uns de ses vieux démons (l’esclavagisme, le racisme…) mais doucement… Trop pour Roscoe T Martin. Fasciné par l’électricité, passionné, il est électricien. Marié avec Marie, une institutrice, et heureux. En équilibre. Jusqu’au jour où Marie décide, après le décès de son père, de retourner à la ferme familiale. Celle-ci est en train de péricliter. Roscoe n’est pas fermier, n’aime pas ça. Marie est froide et distante, et fait coalition avec leur fils Gabriel.
Roscoe est seul, perdu. Jusqu’au jour où il décide de détourner l’électricité de la ville pour alimenter la ferme, et la faire revivre (alimenter les machines agricoles éviterait d’employer des gens et permettrait d’aller plus vite). Grâce à Wilson – l’homme de main de la famille – il parvient à finaliser ce projet… Et l’existence à la ferme retrouve respiration et bonheur. Jusqu’au drame qui amènera à l’arrestation des deux hommes.
Roscoe abandonné par tous, ira en prison. Wilson, complice, sera envoyé à la mine de charbon (forme d’esclavagisme et mouroir pour les noirs accusés de crime).
Virginia Reeves construit son roman dans un va et vient entre le quotidien de Roscoe à la prison (les petits boulots, les magouilles, la relation avec les autres détenus et les matons), quelques passages autour de Marie à la ferme, et leur passé. Ainsi, l’auteur dénoue sa narration progressivement, dans un suspens et une tension perpétuels. On découvre petit à petit qui sont les personnages, ce qui (fatalement ?) les a conduit où ils sont aujourd’hui. On apprend à les connaître, à les comprendre. Et leurs situations petit à petit se dénouent, faisant front à la solitude, à l’incommunicabilité et l’incompréhension.
Virgina Reeves livre ici un roman dans la pure tradition américaine – fluidité de l’écriture, saga familiale, historique – tout en donnant une dimension intense à son histoire (des allures de Crime et Châtiment de Dostoïevski, avec les actes assumés mais la culpabilité toujours là. Ces personnages taiseux, terriblement seuls pour affronter leurs démons).
Dans un style rugueux, direct et introspectif, qui convoque les fantômes de William Faulkner, Tennessee Williams ou Jim Harrison, le premier roman de Virginia Reeves a parfois du mal à échapper à ses influences mais ravira les amateurs du genre.