Dès les premières pages de ce livre, le lecteur est happé par le style de Kent Meyers : Regard subjectif d’un tueur pervers. Dans sa tête. Sa vision. Sa chasse. Pas à pas. Collé à ses pensées glauques, froides comme ce froid qui brûle. Immédiatement c’était sombre, sec, brute, et sans concession gentillette pour humaniser le Monstre.
Le style de Kent Meyers est comme une poignée de terre qu’il te jetterait au visage. T’en as plein les yeux, plein la bouche. Ça picote la rétine et ça envahit le palais. C’est dérangeant d’être ainsi plongée dans une atmosphère pesante et perturbante, et le plaisir de dévorer les lignes, comme si on en redemandait, comme si on était affamé de sensations.
Et puis, soudain il change de personnage, de point de vue, et Kent Meyers parvient à passer à autre chose. Un autre personnage. Une autre situation. Radicalement différent ? Oui, Non. Mais de la douceur, un regard plus tendre sur la noirceur. Avec la menace, toujours, qui plane.
Meyers ne laisse de répit que parce qu’il tient la main de son lecteur tout le long de son histoire comme il permet à ses personnages de se tenir plus ou moins bien la main tout le long de leurs histoires.
Sinon, pour le reste : c’est l’Amérique délaissée, désertée, de désert, de maison brûlée, de tombes abandonnées et introuvables, de parents violents, de silences qui sont des cris enfouis dans des oreillers, de la solitude, de l’incompréhension. Et de l’amour, de la tendresse, de l’envie d’aider.
Un livre avec tout ce que l’humanité porte en elle de magnifique, de doux, d’horrible et de dur.
Le lecteur se balade tranquillement dans les phrases de l’auteur. Des lignes faciles à lire, à engloutir. Ça a des sonorités de polar dans le suspens qui traîne, dans l’avancée petit à petit, les éléments apportés les uns après les autres.
Et puis, là, au détour d’une phrase, on se surprend à buter sur quelque chose. Ou plutôt, c’est comme si on avait fait une petite grimpette pas trop fatigante jusqu’en haut d’une butte, une petite colline de rien du tout, et qu’arrivé en haut on s’attendait à un bête paysage légèrement plus haut que notre point de vue habituel, et qu’on tombe face à un horizon qui nous laisse bouche bée.
Parce qu’au détour de son récit qui se dévore et s’avale, Kent Meyers pose des phrases, des bouts de paragraphes, qui ont la poésie des moments vrais. La poésie qui ouvre les yeux et te montre qu’une pièce vide ne l’est jamais réellement. Kent Meyers donne de la voix aux silences dans des phrases qui sont écrites avec soin et sensibilité.
Pour autant, dans Twisted Tree, jamais de chouineries. On est émus, oui. Mais avec l’œil qui brille, la larme contenu. Tête haute. A affronter avec les personnages leurs terribles situations.
Kent Meyers donne l’impression d’avoir absolument tout compris de la nature humaine et d’avoir si bien assimilé son pays et les paysages qu’on a l’impression d’avoir de la terre qui crisse entre chaque page que l’on tourne.
Éditions Gallmeister (02.02.2012)