Erica est dépassée, bouffée, abattue par une existence qui alourdit chacun de ses pas : son mari décédé d’un terrible cancer, sa mère décédée après une chute où elle s’est brisée la hanche et s’est doucement laissée mourir à l’hôpital, son fils parti depuis plusieurs années et qui ne donne aucune nouvelle, n’est même pas venu aux enterrements, et maintenant son père, qui
atteint un âge où il doit porter des couches, être soutenu pour marcher, et qui se révèle tyrannique – à dévorer les dernières miettes d’énergie d’Erica.
Erica qui oublie de manger, dort peu, a une mine terrifiante. Mais continue. Chaque jour, à se lever, aller travailler, s’occuper de son père, joindre les deux bouts du mieux qu’elle peut.
Puis, son fils, Jimmy, réapparaît dans sa vie. Le jeune homme, homosexuel, ne trouve sa place nulle part, est alcoolique et taciturne.
William Boyle décrit la vie à Gravesend, ce quartier de New York, au Sud de Brooklyn, qui ressemble à une petite ville pauvre et perdue des États-Unis tant les personnages semblent y être reclus, enfermés, coupés de l’horizon.
Rarement des personnages sembleront aussi malmenés par l’existence, abîmés par la vie, et donnant l’impression qu’ils n’attendent qu’une main tendue, l’amour qui les soutiendra, les aidera, les guidera. Des âmes solitaires, méfiantes, apeurées, qui cherchent un coin où se rouler en boule et laisser le vacarme passer.
Des personnages qui ne savent pourtant pas attraper la main qu’on leur tend, qui ont tellement l’habitude de lutter chaque jour, qu’ils ne savent pas faire confiance, se laisser aller.
Tout est brisé, le titre parfait. Qui dit tout. Des vies brisées, foutues, qui se croisent, se cognent, s’agrippent, se rejettent, se trouvent. Des morceaux sur lesquels on se coupe en voulant les recoller.
L’écriture de Boyle (et merci à l’excellente traduction !) décrit avec précision, sans pathos, ni détour, la solitude, l’angoisse, la volonté opiniâtre de continuer à avancer, malgré tout.
C’est rock, blues, littéraire, c’est Léonard Cohen, Jeff Buckley, Bill Fox, Nick Cave. C’est sombre, d’une obscurité ardente.
Éditions Gallmeister (sept. 2017)
Merci pour ce partage et de nous avoir offert l’opportunité de découvrir cet écrivain.
Merci à vous !
Je vous souhaite encore de belles découvertes et de formidables lectures !
(Et si vous hésitez un jour, sachez que tout chez Gallmeister est de qualité !)