Le roman s’ouvre sur le décès sur scène d’un célèbre comédien interprétant Le Roi Lear. Comme le Signe avant coureur de l’effondrement de la civilisation, le point névralgique de la tempête.
Le monde tel qu’on le connaît n’existe plus. Une terrible épidémie a décimé la plupart des humains, ceux qui restent vivent, ou plutôt survivent, dans une grande précarité. Sans eau courante, sans électricité, sans véhicule… un retour brutal à un temps sans technologie.
Dans ce monde, une troupe itinérante va de « ville en ville », avec pour seul répertoire des pièces de Shakespeare et Beethoven. Parmi eux, on suivra surtout Kirsten. Cette jeune femme se souvient de moins en moins du monde d’avant (elle n’était encore qu’une très jeune enfant), est obsédée par Arthur Leander (le comédien décédé sur scène alors qu’elle était figurante dans la pièce) et par les restes du passé. Elle est le symbôle de cette nouvelle civilisation qui se construit petit à petit, en deuil d’un passé de plus en plus flou, avec des zones d’ombres qu’il est préférable d’oublier, en quête d’un futur stable et serein.
Le style romanesque d’Emily St. John Mandel est d’une fluidité addictive, elle mène parfaitement son récit, faisant se croiser ses personnages, ouvrant des portes de dialogues inattendues. Le lecteur est captivé par cette histoire, s’imaginant facilement dans quel état de fragilité pourrait se retrouver l’homme sans la technologie, se posant des questions sur le fondement de l’humanité, et la nécessité de l’art comme port d’attache.
Éditions Rivages (24.08.2016)