Ce livre est un récit autobiographique, Calaferte y raconte ses déambulations dans la rue, la pauvreté, son travail à l’usine, ses relations amoureuses et sulfureuses, et ce qu’est être écrivain, le rapport à l’écriture.
Le style de Calaferte remue, bouscule, dérange. Des phrases courtes, sèches qui sonnent la brutalité, l’urgence du moment présent à bouffer par tous les côtés pour pas crever. C’est sombre et intense.
Du travail il fait la description d’une sorte de misère esclavagiste qui bouffe de l’intérieur, un besoin irrépressible de sortir d’une mélasse gluante.
Les scènes de sexe sont un peu désespérées, celles d’un monde qui est perdu, se perd, se cherche.
Il s’en extrait parfois, et alors dépeint la pauvreté, l’accoudement à un bar crasseux où il n’y a plus que méfiance, peur, et solitude. Forcément quand une fille lui jette des œillades suggestives, il préfère aller s’agglutiner avec elle dans un coin plutôt que ruminer sa crasse de misère.
Ces descriptions sur la bonne petite famille, sur la médiocrité, sur le clivage riche/pauvre, sont ahurissantes de vérité.
Il écrit l’homme sans le sou, à la rue, désabusé, perdu, seul, qui perd un peu de sa rage, de sa vitalité, et devient presque désespéré, triste, il souffre physiquement et moralement. Obligé d’aller quémander auprès de ses anciens amis un toit, un lit, un peu d’argent.
Il rêve toujours d’écrire, et dès qu’il obtient quelqu’argent il en dépense une partie pour des cahiers qu’ils griffonnent jusqu’à noircir les pages en quelques heures.
Il parle alors de l’écrivain qui n’écrit pas, qui n’y arrive pas parce qu’au fond de lui il a la conviction d’être un raté, de ne pas être à la hauteur de tous les auteurs qu’il adule.
Parfois Calaferte nous entourbillonne, mais on reste la tête hors de l’eau, parfois on boit la tasse, on tousse, on recrache, on est en apnée. Et parfois on fait la planche, on se laisse glisser. Il a une écriture, un style qui ne nous permet pas de nous laisser bercer, pas longtemps en tout cas, il finit toujours par nous rattraper, nous réveiller nous secouer, nous montrer des trucs, nous dire des choses qui font s’écarquiller les yeux.
Belle petite claque.
1ère édition : 1963
Editions Folio (1990)