Prémices de la chute commence avec Le gang de Roubaix : en 1996, des hommes font de violents braquages à mains armées dans le Nord de la France. Ces hommes, français, avaient fait leurs armes en ex-Yougoslavie auprès des musulmans bosniaques.
Un journaliste, Arno, un peu lâche, drogué, pigiste pour la Voix du Nord, et d’origine bosniaque, couvre un des braquages, et remonte jusqu’au début d’une piste qui va le mener loin. Une affaire qu’il ne lâchera pas, malgré les menaces, les mises en garde, le peu de moyen et les obstacles. Il sent qu’il touche à quelque chose de gros, quelque chose qui le fera devenir un journaliste qui pourra enfin se faire une place.
Tuyauté par un ex-agent de la DST que personne ne veut entendre sur la menace terroriste d’Al Qaida, Arno, le cabossé qui va au-delà de sa peur, par quelques coups de chance, de culot, et un certain talent à ne pas susciter la méfiance, va se retrouver dans la grotte de Tora Bora , la cache d’Oussama Ben Laden. Après des semaines à tirer péniblement quelques bribes d’informations plus ou moins utiles, il apprend qu’un projet de grande envergure terroriste se met en place… Lourd de ce poids qui pèse sur ses épaules, il va rentrer en France et tenter de révéler au monde ce qu’il se passe.
La ligne de défense des sécurités intérieurs internationales, après les attentats de 2001, a été de dire que personne n’aurait pu prévoir une telle puissance, un tel acte terroriste. Peut-être que si justement…
Par ce livre extrêmement bien documenté sur ces années 90, Frédéric Paulin nous rappelle que rien ne vient sans prévenir, qu’il suffit de regarder, de prêter attention aux forces émergentes, et qu’alors on pourrait anticiper la chute.
En plus d’être un document historique très pertinent, ce livre est aussi un roman policier parfaitement maîtrisé, avec des personnages bien campés, et une intrigue qui tient en haleine. Prémices de la chute trouve l’équilibre parfait entre fiction et document, comme un bon épisode de Homeland ou The Americans. Ou comme un livre de John Le Carré.
Ce récit d’une finesse et d’une intelligence pertinentes révèle les rouages géopolitiques qui nous semblent parfois nébuleux, soudainement limpides et proches grâce au point de vue subjectif et humain des personnages impliqués.
Éditions Agullo (21.03.19)
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