Zeno et Ana, soixantaine d’années, se retrouvent sur les quais, sous la pluie.
Tout démarre avec ce dialogue, Ana qui demande à Zeno : tu m’attends depuis longtemps ? Lui qui répond : 37 ans.
On comprend qu’elle est maire, tout juste à la retraite, mariée, qu’il est libraire, fantasque, et qu’il vend son commerce. Et qu’enfin, ils vont s’embrasser, et qu’il et elle sont à un tournant de leur existence.
Les chapitres vont s’écouler à rebours. Nous allons découvrir des moments clés de leur vie, séparée, à distance, faite d’absence, de silence, de lettres, d’appels téléphonique, le tout comme en marge de leur quotidien, comme une amarre au loin.
Nous remontons le temps, découvrons petit à petit leurs vies, leurs attaches, les pointillés qu’ils les tiennent l’un à l’autre, et découvrons la liberté de paroles, de confidences, et d’intimité que ce couple à la marge s’est construit.
C’est doux, drôle, follement romantique, plein d’humanité, de sourire, de vérité sur la complexité de se construire ensemble, et sur la patience, la constance.
On retrouve le trait et les couleurs de Jordi Lafebre, des visages beaux et expressifs, réalistes mais avec une réelle tendresse dans leur représentation. Jordi Lafebre plante tout de suite le décor et le tient jusqu’au bout : ce qui l’intéresse, et ce qu’il fait avec un grand talent, c’est les relations humaines, les sentiments, les corps qui bougent – légers et vifs de jeunesse, ou d’amour ; lourds, éreintés de fatigue et d’accablement.
Jordi Lafebre, pour Malgré tout, fait danser ses personnages, comme toujours en mouvement – réel ou imaginé – dans une valse des émotions. Le tout ponctué par les notes d’une écriture poétique qui touche les cœurs.