Un flic, solitaire, marqué par la vie (et un récent décès), coincé dans ses habitudes, bouffé par son travail;
Une journaliste grande gueule, intelligente, dynamique, à l’écoute, humaine et jolie.
Un consultant au passé sombre, « autiste » (pour la référence tv, il me vient Monk. Il compte des tas de choses, range tout méticuleusement, vit reclus, évite les contacts humains, ne dit rien sur sa vie, a une mémoire complètement ahurissante).
Un serial killer, qui reproduit les meurtres de serial killers américains, aux dates où elles ont eu lieu.
New-York. Tantôt grise, pluvieuse, bondée de monde. Tantôt ensoleillée et calme. Tantôt sombre et silencieuse.
Un livre qui s’avale.
Parce qu’Ellory sait parfaitement mener sa narration. Le lecteur est avec Irving (l’inspecteur). Ne le quitte pratiquement jamais, n’en sait quasiment pas plus. (Quelques écarts nous mènent parfois dans la tête d’une victime ou dans celle du tueur, mais n’apportant pas plus d’informations que le déroulement du crime en lui-même – immersion macabre).
On retrouve l’ambiance poisse des films de Serial Killers des années 90 (Seven – Copycat – Silence des Agneaux), avec les crimes qui s’enchaînent, sanglants et violents (sans qu’on s’y attarde non plus. Le livre ne fait dans la surenchère sanguinolente). Avec les provocations du tueur (lettres envoyées à la presse ou aux flics, besoin d’être connu et reconnu, d’être le meilleur). Avec le flic qui enquête jusqu’à l’obsession, qui s’implique tant que sa vie personnelle en souffre.
Les pages tournent, et le lecteur devient tout aussi impliqué qu’Irving, et comme lui, nage entre les lignes, tout en y restant agrippé, pour ne pas s’y noyer. Et comme mis en exergue cette citation de Nietzsche : « Si tu regardes trop longtemps l’abîme, l’abîme aussi regardera en toi. »
Ellory signe donc là, je trouve, un thriller hommage à toute cette mouvance années 90 de la poursuite d’un Serial Killer, par des flics « abîmés » qu’on a envie de voir réussir de peur qu’ils ne sombrent. Il plonge également dans l’histoire macabre des États-Unis et de ses tueurs qui suscitent une étrange admiration. Des groupes qui se montent, des marchés qui se créent, pour s’échanger des histoires, des images, des reliques. (On a pu notamment voir ce genre de groupe autour du crime dans le film Dark Places avec Charlize Theron).
Sans donner de réponse à ce qui amène ces gens à cette fascination pour le morbide, Ellory en parle et pose des questions.
Donc, Les Assassins (le titre n’est pas extra, je trouve. The Aniversary Man ou Le Commémorateur comme traduit dans le livre, auraient été plus appropriés) est un très bon thriller d’enquête et d’action. Pas de psychologie à rallonge, pas de descriptions jouant sur le macabre (même si les crimes sont décrits). Juste un Serial Killer et des flics qui lui courent après. Et c’est déjà pas si mal !
Éditions Sonatine (19.08.15)
Le livre de poche (05.10.2016)