Aurélien Police, illustration de couverture – Pierre-Paul Durastanti, traduction.
Un homme retrouve une prostituée,Jasmine, l’assassine, l’énucle pour récupérer son appareil photographique implanté. On pense que c’est pour ne pas laisser trace de son crime, mais cela va plus loin… Le Surveillant. Il est froid, calculateur, sur de lui, intelligent.
Ruth, ancienne flic, n’est pas remise du meurtre de sa fille (qu’elle aurait peut-être pu sauver). Devenue super détective (elle s’est fait implanter moult améliorations physiques, plus un Régulateur, qu’elle utilise 23h par jour, alors que la règle est normalement d’1h en continu max, qui l’empêche d’être soumise à ses émotions).
La mère de Jasmine/Mona engage Ruth pour retrouver l’assassin de sa fille (les flics ont laissé tomber l’enquête, pensant à un règlement de compte de mafia chinoise).
Un très court roman, 93 pages, ultra efficace. Excellemment écrit (et traduit donc). Des chapitres de quelques pages, qui nous font basculer d’un narrateur (Ruth) à un autre (Le Surveillant). Sous couvert d’un thriller oppressant, avec ce serial killer machiavélique, Ken Liu aborde les thèmes du deuil, de la culpabilité. D’un humain tout fissuré à l’intérieur, qui doit pourtant survivre… pourquoi… justement, peut-être pour le genre de choses qui arrivent à Ruth pendant cette histoire.
Il aborde aussi le thème hyper actuel de l’utilisation de l’argent public par les politiciens, à des fins personnelles, très dépensières, et parfois très limite question moralité.
Ken Liu, enfin, aborde le transhumanisme (amélioration du corps par de la technologie). Sans totalement prendre le parti du pour et du contre, laissant des champs ouverts aux questionnements.
Je suis impressionnée de voir qu’en si peu de pages, Ken Liu parvient à raconter une histoire d’enquête et de tueur en série palpitante, à dessiner parfaitement ses personnages, et à aborder tant de thèmes posant des questions sur notre condition humaine, et notre société.
Je me demande ce dont il est capable sur plus de pages.
Il y a des moments que l’on voit venir, des facilités dans la peinture des personnages, (mais le format est court, il faut bien des repères faciles pour creuser au-delà, ailleurs) et des moments auraient pu être plus développés, mais on se retrouve tellement pris dans le rythme de l’histoire, et captivé par l’incisive écriture de Ken Liu, captivé par les réflexions sous-jacentes, qu’on ne lâche pas ce livre et qu’on comprend pourquoi tout devait évidemment se dérouler comme ça.
Éditions Le Bélial (2017)