Jojo a treize ans, vit avec ses grands parents, sa mère et sa petite sœur, dans un Mississippi encore imprégné de racisme et de ségrégation. Jojo est métis. Sa mère Léonie est noire, belle, pas très futée, et pas tout à fait sortie de l’adolescence… Folle amoureuse de Michael – un blanc de bonne famille – dont elle attend avec fébrilité la sortie de prison.
Jojo affronte le monde avec sérieux, responsabilité et colère. Il prend soin de sa petite sœur, Kayla, qui trouve toujours le moyen de se lover contre lui ou de lui grimper sur les épaules.
Il n’a pas confiance en sa mère, qui se comporte avec trop d’insouciance, et se drogue.
Léonie fait ce qu’elle peut, mais au fond tout ce qu’elle veut c’est son homme. Elle aime ses enfants, mais ne sait pas quoi en faire.
Le grand père sert de parent référent à Jojo. Ensemble, ils discutent, se transmettent les choses. Il est solide, posé, aimant et doux. Mais aussi blessé et meurtrit par un passé douloureux, notamment un séjour au pénitencier où il a vécu et vu des choses affreuses sur lesquelles il ne parvient à mettre de mots.
La grand mère, sorcière chaman guérisseuse, est alitée, rongée de toutes parts par le cancer. Elle tente encore parfois de guider les siens, mais elle cherche au fond à mourir comme il faut.
Et au milieu de tout ça… il y a les revenants. Tous ceux qui sont morts brutalement, injustement, qui cherchent à comprendre, qui cherchent à aider. Qui ont du mal à communiquer avec les vivants.
Jojo les voit.
Kayla les voit.
Léonie voit son frère quand elle prend de la drogue.
Ces voix de l’ombre qui pèsent sur les consciences, pèsent sur toute l’histoire d’un pays. Qui cherchent à se faire entendre, pour obtenir une forme de justice, une rédemption, une reconnaissance.
Découverte de Jesmyn Ward et de son écriture, belle, déliée, oscillante entre les mondes (les blancs, les noirs, les vivants, les morts). Un univers entre Faulkner et Morrison, par lequel Jesmyn Ward donne une ampleur poétique à des personnages pauvres, ruraux, drogués,entourés par la colère et la violence. Affamés de douceur.
Une mélopée lyrique dont le chant sillonne la chair.
Editions Belfond (février 2019)
Trad. Charles Recoursé