« J’ai vu l’aigle à tête blanche tourner au-dessus du Project, l’autre jour. L’immeuble où j’ai grandi est devenu l’abri des rapaces. Il y a tout ce qu’il faut là-haut, dans les étages, vêtements déchirés, fauteuils défoncés, cloisons affaissées, fils arrachés, télés renversées, capotes usées, tout le reliquat, toutes les fibres de nos vies pour tisser le nid de notre emblème national. »
Détroit 2013, l’effondrement d’un immeuble c’est aussi la démolition d’une vie de quartier, de ses habitants, de son environnement social et économique. Ce roman ou les voix se croisent entre 1960 et aujourd’hui est passionnant. Avec son style très documenté, le livre nous plonge au cœur d’une enquête sur un corps enfoui dans les décombres de la démolition, celui de Frat Boy artiste peintre de street art libre.
Ce corps inerte nous rappelle les souvenirs de la vie d’autrefois. Celle des noirs américains précaire et fragile, victime du racisme mais aussi les espoirs et les talents que regorgeaient ce quartier, comme les pépites de la Motown célèbre label de musique noire avec les Suprêmes amoureuses des Four Tops, de Mary Wilson ou encore Stevie Wonder que racontent Ira le flic enfant du quartier . Là où nous dansions est nostalgique et plein de petits bonheurs conjugués en tout simplicité. Les images du passé révolu auquel les personnages s’attachent ne reviendront plus. Brewter Project est détruit et emporte avec lui le rêve americain des noirs de Détroit.
Judith Perrignon est journaliste et romancière. Elle a notamment publié l’amour d’après avec Marceline Loridan (Grasset 2018) et Victor Hugo vient de mourir (L’Iconoclaste, 2015).
Parution Janvier 2021
Editions Rivages