La baleine tatouée est un court roman, oscillant entre le conte, la transmission des légendes d’une tribu maori, et le récit d’une famille qui connaît ses drames, ses victoires, ses conflits et ses retrouvailles.
L’aspect fable, onirisme, s’il ne perd pas son lecteur, le déplace, l’amène dans un monde peu connu de l’européen, de l’occidental. Witi Ihimaera nous plonge immédiatement dans un récit où le réel et les croyances s’entremêlent, où les légendes ont un poids sur le quotidien, on peut se retrouver légèrement décalé avec ce monde qui nous est si inconnu.
Puis, petit à petit, la famille autour de laquelle le récit va se nouer, devient plus palpable. Le grand-père, acariâtre, têtu, traditionnaliste, qui tient les siens sous son autorité. Enfin, tant qu’il ne franchit pas les limites. À ce moment là, c’est son épouse qui remet les choses en place, exemple type de la mère nourricière, protectrice, à l’esprit de clan très prononcé.
Et il y en a des soucis qui bousculent cette famille. Le fils, déjà, a eu la mauvaise idée d’avoir comme premier enfant une fille. Impossible pour le grand-père d’aller à l’encontre des traditions et de lui transmettre le savoir Maori. Mais la petite Kahu ne va pas se laisser intimidée par ce vieux Paka, et elle va redoubler d’énergie, dès la petite enfance, à essayer de le séduire, de le guetter à chaque occasion, et d’intégrer tout ce qu’elle peut de la culture de ses ancêtres.
Ensuite, il y a l’appel d’autres horizons qui voient les jeunes actifs partir vers l’Australie, pour faire leur vie. Le racisme subit, la précarité menaçante.
Et puis… omniprésent, les troubles inhérents aux changements climatiques, et aux conséquences néfastes de certains comportements humains sur la nature.
Tout cela est raconté avec humour, beaucoup de tendresse, par Witi Ihimaera. Comme un conte, il va nous dérouler l’histoire de cette famille, de la Nouvelle Zélande, des grandes baleines. Un récit écologique où la leçon principale est qu’il faut apprendre à vivre ensemble, et en accord avec la nature et sa faune.
Un très beau texte, qui fait voyager, fait rêver, sans pourtant détourner le regard sur la violence du monde.
La baleine tatouée a été écrit en 1987, adapté au cinéma par la Néo-zélandaise Niki Caro sous le titre Pai en 2002. Le livre et le film sont devenus des œuvres majeures, des classiques de la littérature et du cinéma.
La baleine tatouée est le livre néo-zélandais le plus traduit dans le monde.
Éditions Au Vent des Îles (mars 2022)
Traduction : Mireille Vignol
Né dans le Nord de la Nouvelle-Zélande, Witi Tame Ihimaera-Smiler commence par travailler comme diplomate dans les années 70. Son recueil de nouvelles Pounamou Pounamou (1972) est le premier du genre à être publié par un auteur māori, suivi par le roman Tangi en 1973. Il a fait paraître plusieurs recueils de nouvelles et sept romans, dont Nights in the gardens of Spain, dont le titre reprend une œuvre de Manuel De Falla.
Il enseigne depuis 1990 la littérature anglaise à l’université d’Auckland. Il est considéré comme un auteur majeur de la littérature post-coloniale. En 2005, il a reçu la médaille de l’Ordre du mérite en littérature de Nouvelle-Zélande.
Son ascendance tribale est au peuple Te Aitanga-a-Mahaki ; il est également apparenté aux Tuhoe, Te Whanau-a-Apanui, Ngati Kahungunu et Ngai Tamanuhiri.