Au début du livre, rien ne va trop tellement bien pour Doug. Son père est viré de son job, ils doivent déménager pour le trou paumé et nul de Marysville. Comme ils n’ont pas trop d’argent, ils ont une petite camionnette qu’ils bourrent comme ils peuvent, et doivent laisser beaucoup de choses derrière eux. Et emménagent, son père, sa mère, son frère et lui, au Trou à rats.
Le père retrouve du boulot grâce à un pote. Ils sortent ensemble quasi tous les soirs, à boire des bières. Le père, évidemment, est violent, égoïste. c’est une présence sombre, et flippante.
La mère est réservée, en arrière fond, elle fait tout pour que tout tienne. Elle aime ses enfants par-dessus tout. A un sourire merveilleux – quand elle sourit. Et aime les fleurs.
Le frère, Christopher, est une petite brute, qui n’a pas l’air d’aller à l’école, traîne visiblement avec des petits voyous, et s’amuse autant qu’il le peut à frapper, voler, humilier son frère.
Un autre frère, Lucas – à la guerre du Vietnam.
Et Doug. Qui arrive dans cette nulle ville de Marysville. Qui ne sait pas quoi faire de son été.
Puis il se pose sur les marches de la bibliothèque, et ça va être le début du changement de sa vie : il rencontre la malicieuse, futée, et généreuse Lil. Elle trouve un job de livreur à Doug, le petit voyou maigrichon. Il rencontre M.Powell le futé, espiègle, patient bibliothécaire qui l’aidera à dessiner. Parce que… surtout… dans la bibliothèque, Doug découvre les illustrations d’Audubon. Fasciné, aspiré, inspiré par ses illustrations, elles vont lui ouvrir d’originales portes vers les autres et le monde. Doug a maintenant deux passions : Joe Pepitone, le joueur de baseball et les oiseaux dessinés par Audubon.
Doug est drôle, vif, sur ses gardes, hyper intelligent, sensible, et artiste. Ouvert sur les autres et le monde, mais loin d’être naïf. Prêt à choper toutes les bonnes opportunités qui s’offrent à lui, mais avec toujours l’idée qu’à un moment ou un autre, ça va mal tourner. Ce qui est vrai.
L’écriture de Schmidt a cette faculté incroyable de ne pratiquement rien décrire tout en étant fabuleusement descriptive : tout passe par le regard et les mots de Doug. Et la façon qu’à Doug de cibler les choses, les gens et les situations, en des phrases incisives, est toujours juste. Parfois à décrocher des sourires, ou à surprendre comme une gifle soudaine.
L’auteur arrive, en plus, à faire vivre cette époque si fragile aux États-Unis pendant la guerre du Vietnam.
Il arrive aussi très bien à transcrire l’étouffement et le microcosme d’une petite ville : quand une rumeur peut tout dévaster ou, qu’au contraire, une vérité peut soulever les sourires.
Ce livre est un tourbillon d’émotions, de justesse. Doug, au fil de ses livraisons, rencontre plusieurs personnes de la ville, des portraits de gens qui donnent l’impression de vivre dans un coin de leur quartier.
Il faut lire Jusqu’ici tout va bien !
Pour faire le fier en blouson signé Pepitone.
Pour enfoncer les pédales de son vélo à livrer au plus vite des glaces avant qu’elles ne fondent dans la chaleur de l’été.
Pour suivre des doigts les plumages d’oiseaux.
Pour apprendre à lancer des fers à cheval.
Pour voir le sourire de la Mère.
Pour le Dieu de la Créativité, qui s’assoit sur un coin de bureau, les ailes repliés.
Pour vouloir mettre des torgnoles à Percy Bishe Shelley et aimer lire Jane Austen.
Pour donner une seconde chance aux gens.
Pour tant et tant de choses.
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