On pourrait dire qu’il ne se passe rien dans ce livre. Et pourtant. Il est fascinant, il y a une lente progression, vers un point culminant, comme ces longues marches que le narrateur et le Felice font ensemble.
Chaque matin, alors que l’aube ne pointe pas encore, ils partent tous deux dans la montagne, et grimpent. Le temps est froid, proche de l’hiver, il y a la pluie, puis la neige. Mais chaque matin, le même rituel : se retrouver, et monter jusqu’à la gouille, une sorte de mare isolée au milieu des arbres et des rochers. Arrivés là, ils plongent chacun à leur tour. Nus. Selon le temps, ils doivent même en briser la glace pour pouvoir s’immerger. Puis, ils se laissent sécher à la brise (très) fraîche du jour qui se lève.
Puis ils redescendent.
De là, chaque jour semble identique, et en même temps, totalement différent l’un de l’autre.
On suit les deux personnages, leurs déambulations ; du village, ils croisent un habitant ou un autre. Parfois ils rendent un service, apportent des champignons ramassés en chemin à une vieille dame, aident à faire démarrer un tracteur, salue l’âne solitaire, trouvent sur le pas de leur porte un bocal de légumes…
Il y a les histoires, le passé qui surgit par touches, qui permet d’anecdotes en anecdotes de comprendre les relations des uns et des autres. Un mystère aussi : pourquoi le vieux Felice a l’air de faire réaménager sa chambre disponible ?
Tout sera révélé, bribes par bribes, doucement, dans le silence, la compréhension, l’écoute.
Dans un magnifique récit plein d’humanité, en cohésion avec la nature, sans faux semblant, Fabio Antina nous offre une bulle hors du temps sensible, frugal et généreuse.
Éditions Zoé (2021)
Traduction : Anita Rochedy
Fabio Andina est né à Lugano en 1972 et a étudié le cinéma à San Francisco. Il partage sa vie entre Madonna del Piano et Leontica, dans les Alpes tessinoises.