Portrait de la jeunesse groenlandaise. Personnages que l’on découvre chez eux ou à une fête. Récits construits en parties : à chacune son narrateur. Monologues intérieurs puissants. Des histoires d’amour qui se terminent, à décrire avec une violente justesse la mort des sentiments, l’ennui, la colère, le dégoût de l’amour de l’autre. Des histoires d’amour qui naissent, une rencontre à une soirée, une fille magnifique, le « courant passe », l’électricité palpable à chaque mot. Le besoin de fête, d’alcool, de bruits, de mouvements, pour oublier que ce pays est une prison, cloisonne, n’offre pas de perspective, tourne en rond.
La sexualité, le questionnement du genre, fait avec naturel, évidence, mais sans fermer les yeux sur le rejet, parfois, des parents, d’une famille qui nous ferme la porte, et une autre qu’on se crée, avec qui on est soi.
Niviaq Korneliussen délivre un roman coup de poing, direct et uppercut. Pas de fioritures, le lecteur est propulsé au cœur des émotions à vif des personnages, de leurs colères, de leurs passions, de leurs questionnements. Elle les fait vivre avec densité, complexité. Ils sont vrais.
L’écriture de Korneliussen s’adapte au personnage narrateur, tantôt sèche, dure, à transpirer la colère et la frustration, tantôt longue, fluide, à se coucher sur un lit de mélancolie ravagée et ravageuse.
Mais jamais apaisée.
Parsemée de mots anglais, de références musicales, d’emails, de textos, Korneliussen donne à lire un récit qui colle à son époque et à ses personnages. On passe d’une langue à l’autre, d’une forme d’expression à l’autre, on est submergé de mots et on cherche à s’en sortir pour passer à l’acte.
A lire.
Il emporte, il remue, il frappe.
Editions La peuplade (oct. 2017) – Éditions 1018 (2020)
Écrit en groenlandais puis en danois par l’auteur.
Traduit du danois par Inès Jorgensen, validation linguistique à partir du texte groenlandais par Jean-Michel Huctin.
Autre livre de l’autrice sur notre site : La vallée des fleurs (2022)
Née en 1990, Niviaq Korneliussen est née dans la ville de Nanortalik, au sud du Groenland, et vit aujourd’hui à Nuuk. Son premier roman, Homo Sapienne, a marqué un tournant dans l’histoire littéraire groenlandaise en devenant l’un des premiers succès internationaux inuits. La Vallée des Fleurs a remporté le Grand prix de littérature du Conseil nordique 2021.