Gabacho, avant tout, c’est une langue qui frappe, qui surprend, désarçonne, fait rouler dans la poussière, et se relever les poings dressés, prêt à prendre des coups.
Haletant. Saccadé. Une respiration tendue.
C’est toute la vie de Liborio qui surgit dans ces lignes. Lui, le narrateur. Un immigré clandestin. Un mexicain qui a franchit la frontière dans une rage de vivre, de survivre, qui ne le quitte jamais, et qui se retrouve dans une ville obscure des États-Unis, probablement en transition, en tout cas en quête d’une nouvelle vie.
Liborio a un job dans une librairie, exploité, mais ça lui donne un logement (dans la mezzanine) et quelques billets. Et il lit. Tout ce qui lui passe par la main. Il commence par les illustrés, puis plus à l’aise, engouffrera les romans, et la poésie. Très critique. Il ne supporte pas le creux, les belles phrases vides de sens, pour faire joli. Il n’épargne rien. Mais parfois il est touché jusqu’aux tripes.
Liborio est un poète des caniveaux, des laissés pour comptes, des mots bruts, des figures de style urbaines, des punchlines percutantes. Sans vraiment le savoir (et sans que quiconque croit réellement en son talent, et surtout pas lui-même).
Et surtout, Liborio, il est tombé raide dingue amoureux de la gisquette de l’immeuble d’en face.
Intense. Il raconte son amour, l’étonnement de ses propres bouleversements.
Évidemment, rien ne va être facile pour Liborio. Ni sa relation avec la gisquette, ni tout ce qui va se mettre sur son chemin.
Il va se prendre des coups, se faire humilier, on va essayer de l’exploiter, il va finir par devoir dormir dehors, se faire voler…
Bref, rien ne lui est vraiment épargné. Sauf qu’il a cette combativité, et cet amour, et il parvient à tout prendre comme un combat dans lequel il se relève toujours.
Aura Xilonen a une richesse de langue incroyable(et bravo à la traductrice Julia Chardavoine), un mélange de genres qui la rend à la fois poétique et réaliste, des métaphores qui frappent juste, et qui collent parfaitement à son personnage.
Pendant cette lecture, j’ai pensé à Céline et à Calaferte.
La description du quotidien de la vie de Liborio, avant et après son départ du Mexique, sont révélés sans état d’âme, comme le reste du livre, dans toute leur brutalité. Pas de concession. Pas de gant.
Et on a envie de prendre soin de Liborio, de le voir trouver un refuge. Quelqu’un.
Ce livre est intense. Captivant. Coup de poing. Sensible.
Éditions Liana Levi (19.01.2017)