On y plonge et on n’en ressort pas
Désintégration est un roman intimiste, à la fois social et féministe, dans lequel la narratrice (qui n’a pas de nom mais qui pourrait très bien être l’auteure elle-même) raconte sa lutte pour trouver sa place dans le milieu bourgeois-intello-artiste parisien en tant que jeune femme blonde de la classe moyenne pavillonnaire de la lointaine banlieue. Ses parents ont trimé toute leur vie et elle, passionnée de littérature et écrivaine de la nuit, aspire à autre chose, à mieux. Malgré sa force de caractère, sa liberté d’esprit et ses privilèges de fille blonde aux yeux bleus, le déterminisme social semble la rattraper et, en même temps que sombre peu à peu son espoir, monte en elle une haine de classe de plus en plus incontrôlable. En parallèle, la narratrice nous raconte son présent où, malgré un premier livre publié et un début de reconnaissance médiatique, elle nage dans un désespoir apparemment inextricable.
Désintégration parle aussi d’amour, entaché par les différences de milieu ou par la misère sociale, de sexe et de désirs, de la prise de liberté de la femme malgré l’oppression masculine et le regard des autres. Enfin, il parle de cette contradiction universelle entre volonté d’indépendance et désir d’assimilation.
On y plonge et on n’en ressort pas avant le dernier mot de la dernière page. Le propos social est intéressant, la voix accrocheuse. Les pensées de la narratrice imprègnent chaque phrase et le désamour qu’elle éprouve vis-à-vis de sa vie, des autres, d’elle-même frise au narcissisme de l’artiste bohème désargenté qui donne envie de lever les yeux au ciel et parfois, aussi, de les détourner par gène de commettre un acte de voyeurisme. Mais c’est tellement bien écrit qu’on ne peut s’empêcher de le gober d’un seul coup.
Editions de l’Olivier (août 2018)
Autre article sur notre site internet : Hommes (08/2022)
Ping : Hommes, Emmanuelle Richard | Librairie Maruani