Quelques années après la seconde guerre mondiale, la République Fédérale Allemande décide de remettre en place le service militaire obligatoire. Heureusement, pensent les jeunes concernés, une loi les protègent de l’enrôlement en tant qu’objecteur de conscience. Sauf que pour avoir ce statut et être exempté du service militaire, il faut passer par moult commissions, épreuves, interrogatoires… au bout desquels, bien trop souvent, est refusé la demande.
Courant années 70, parmi ceux qui espèrent pouvoir refuser le service militaire, Hermann : tout petit, déjà, il refusait tout contact avec une arme à feu. Lors des jeux d’enfants avec son frère, il préférait être l’indien pisteur (sans arc ni tomahawk) plutôt que le cowboy au pistolet. Il a toujours regardé avec horreur les retours de chasse de son père. Une sourde angoisse monte en lui à chaque fois qu’il se trouve à proximité d’une arme.
Lorsqu’il est appelé à faire son service militaire obligatoire, il compte sur la loi lui permettant d’être objecteur de conscience pour ne pas avoir à enfiler l’uniforme et à tenir un fusil. Seulement, comme dans beaucoup de pays où le service militaire a été, et est encore obligatoire, pour être considéré objecteur de conscience, il faut passer par beaucoup d’étapes humiliantes et éprouvantes. Pour souvent ne pas être entendu.
Les jeunes, par conviction profonde ou/et par angoisse intense, sont parfois prêts au pire pour échapper au service militaire (tentative de suicide, mutilation, la fuite hors du pays…)
Hannah Brinkmann raconte rapidement comment elle apprend l’histoire de son oncle, l’envie qu’elle a eu de raconter son histoire, et le regard de sa famille sur celle-ci. Puis, l’illustratrice nous fait suivre pas à pas la vie de Hermann, les épreuves affrontées, le combat mené, et à travers son parcours, toute la culpabilité d’un peuple que l’on écoute pas, d’un mal être que l’on ne prend pas en compte. Tout ça pour servir une cause militaire incompréhensive.
Les dessins sont impressionnants de maîtrise, dans des tons gris-marrons, qui parviennent à bien transmettre le climat froid, et la profonde solitude dans laquelle se retrouve le personnage principal. Il y a des planches magnifiques où Hannah Brinkmann met en images les troubles psychologiques d’Hermann provoqués par la terrible angoisse à l’idée de se servir d’une arme à feu.
On sent une empathie très forte pour le destin de son oncle, et l’ambiance années 70, contestataire, pacifiste, dans un monde inadapté, est parfaitement retranscrite.
Une BD très intelligente et émouvante, qui reste profondément d’actualité, sachant que des pays pratiquent encore le service militaire obligatoire, et qu’en France, quelques groupes politiques le mettent en avant, se servant des différents évènements nationaux et internationaux pour justifier sa remise en place.
Éditions Presque Lune (Septembre 2022)
Hannah Brinkmann (1990) est bédéiste et illustratrice allemande basée à Hambourg. Ses courtes bandes dessinées sont parues, entre autres, dans «International Environmental Law Cases», une publication de l’UFU-Institut Berlin, «Alphabet of Arrival», une publication du Bundesinstitut für politische Bildung, le TAZ et le Strapazin. «Gegen mein Gewissen» (contre ma conscience) est son premier roman graphique réalisé à l’âge de 28 ans.
Contre ma conscience a été nominé au comic book de la Berthold Leibinger Stiftung et au Prix PENG 2021 de Munich pour la meilleur BD allemande 2021