Après avoir retracée l’histoire d’Achille (Le chant d’Achille, 2011), Madeline Miller nous fait découvrir Circé.
Qui connaît vraiment cette demie-déesse, cette sorcière, cette naïade, qui a absous Jason et Médée, qui a hébergé Ulysse (a eu plusieurs enfants avec lui… en un an ?!), a transformé les hommes en pourceaux ?
Il existe plusieurs versions de Circé, parfois contradictoires. Madeline Miller a donc fait des choix, et a fait de Circé un personnage intense.
Circé, la fille effacée d’Hélios et Persé. Qui cherche l’attention, l’amour, la tendresse, dans le monde des océans où les nymphes et les dieux s’amusent de grivoiseries, de tortures et d’hypocrisie.
Circé, qui est fascinée par les mortels.
Circé, qui découvre ses pouvoirs de sorcière, change le mortel Glaucos en dieu par amour, et la nymphe Scylla en monstre marin par jalousie.
Circé, bannie, qui vivra les 9/1Oe de sa longue existence de déesse sur son île Aeaea. Où elle va perfectionner ses sorts, transformer les hommes violents en pourceaux, accueillir les nymphes rebelles, s’amouracher d’Ulysse, devenir mère de Télégonos.
Madeline Miller a fait le choix de rendre l’histoire de Circé « réaliste », elle vivra son éternité loin de tous, croisera certains, enfantera une seule fois. Un personnage solitaire, méfiante elle se laisse difficilement approcher, mais a un caractère loyal et droit. Juste. Et quand elle donne son « amitié », c’est comme un pacte.
On voit ce personnage passer de l’enfant fragile et timide à la femme dure, meurtrière. A la mère louve, à la combattante astucieuse. Tenace, taiseuse, elle ne lâche rien. Elle vit avec le poids de sa culpabilité et le poids de ses sorts qui protègent son île.
Circé prend vie et gagne une véritable densité grâce au livre de Madeline Miller.
Editions Rue Fromentin (juin 2018. trad. Christine Auché)