Florence quitte tout du jour au lendemain, elle fourre un léger sac dans une vieille bagnole et elle trace la route… 100km et la voiture tombe en panne.
Sac au dos, elle marche, elle parcourt on ne sait quelle distance, on ne sait ce qu’elle vivre et traverser, juste qu’elle marche et survit comme elle peut, selon les rencontres et les opportunités.
Jusqu’au jour où elle s’arrête dans un troquet, se fait agresser verbalement par un type qu’elle remet à sa place, avant de sortir bouillonnante de colère. Suivie par un homme qui va lui inspirer confiance au point de le suivre jusque chez lui et d’accepter de loger dans la caravane du fond de jardin contre de menus travaux.
Daguet, l’homme qui l’a recueilli, sans lui-même comprendre pourquoi, est un piqueur : il élève et entraîne une meute de chiens de chasse à courre pour les futurs bourgeois qui viendront à la saison traquer le gibier.
Évidemment il est taiseux, évidemment il est distant, évidemment il ne semble ne pas trop se questionner sur l’existence. On n’échappe pas aux écueils du genre. Mais ça fonctionne. Car le personnage de Daguet est certes simple mais attendrissant : il veut à tout prix faire ses preuves en tant que piqueur, se joue là son avenir. Son rapport aux chiens est doux, consciencieux, respectueux.
Florence qui fuyait un monde, une société où elle ne trouvait plus sa place, où elle se sentait enfermée, relâche un peu ses défenses dans ce quotidien où personne ne lui met la pression.
Ce livre est avant tout l’histoire de la rencontre entre ses deux êtres, chacun à sa façon cherchant à se faire une place, à trouver sa place. Chacun avançant coûte que coûte, se disant que les réponses sont au bout de la route, si bout il y a.
Aurélie Jeannin décrit parfaitement le quotidien de ces gens vivant en presque vase clos, ce petit village respirant au rythme des saisons et de la chasse. Avec son lot de violence quotidienne, tant sociétale qu’humaine, Daguet va devoir affronter l’humiliation d’être le « larbin », Florence celle d’être une femme.
L’ambiance est parfois électrique, à fleur de peau, on a l’impression que tout peut exploser très vite si l’un ou l’autre ne fait ne serait-ce qu’un pas de côté par rapport au rôle qui lui est assigné.
La question est : jusqu’à quel point accepte t-on de jouer le jeu social ? À quoi sommes-nous prêts pour être en accord avec soi-même ?
Éditions de l’Olivier (mars 2024)
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Aurélie Jeannin est née en 1982. Elle vit avec son mari et ses enfants en forêt, quelque part en France.
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